Jour 11 - Séoul
- Thierry
- 12 déc. 2021
- 5 min de lecture
Impossible de dormir. Sans attendre le petit déjeuner je remplissais mon sac à dos de choses inutiles mais mon coeur était léger, ça compense. J’allais enfin découvrir la capitale du « Pays du matin calme » improprement nommée. Le pays du matin frais eut mieux convenu à la Corée. En ce mois de décembre les nuits sont très froides, largement négatives. En plus j'ai la chance de découvrir Séoul masquée d'une épaisse brume, comme une princesse pudique. Je m'enfonce vers son coeur installé à l'arrière d'un taxi grincheux. Me laissant porter à l'instinct, la journée risque de plus ressembler à une errance qu'a un itinéraire. Furtivement, je perçois une mystérieuse antenne en sortant du taxi. Je grimpe la ruelle en espérant en savoir plus sur cette Tour Eiffel Coréenne. Je monte encore, aspiré par la curiosité. Le temps de saisir mon Leica pour commencer cette belle journée dans le brouillard, que les deux hommes avaient déjà disparu.

Mes pas s'enchainent, lentement, tant la pente est raide. J'arrive soudain devant un petit panneau mentionnant le téléphérique menant à la Tour de Namsan. Celle-ci était bien présente sur ma liste mais je ne pensais pas me trouver à ces pieds à sept heures du matin! Le téléphérique n'ouvrant qu'à dix heures, je tente l'ascension à pieds, escorté par de nombreux sportifs. À l'aide d'un pas lent et régulier je rattrape les premiers grimpeurs un peu trop ambitieux. Les oiseaux m'invitent à continuer parmi les arbres noirs aux feuilles d’or.

Chaque forêt du monde à sa propre odeur, mélange des essences, des champignons, des animaux qui la font vivre. Je me vide l'esprit et me remplis les poumons et le coeur bat fort. Après les cent pas, je me libère grâce à ce monde féerique où la nature domine le béton.

Toujours cette attirance ineluctable du sommet, me pousse a faire quelques pas de plus, encore un virage pour contempler une vue encore plus incroyable. Est-ce un phénomène propre a l'espace humaine? Après un dénivelé de 262 m, j'observe une vue à couper le souffle. L'agglomération de Séoul est la cinquième Métropole du monde avec 26 millions d'habitants, cinq fois plus grande que Paris et la capitale de la Corée depuis plus de deux mille ans.

Je profite un peu de ma victoire pour observer le lever du Soleil de l'autre côté du versant. Il vient caresser les arbres noirs de sa chaleur importante, même en décembre. Ainsi les nuits sont très froides mais les journées relativement douces. Il crée des estampes avec chaque branche, de chaque arbre.

Il est temps, vers neuf heures du matin d'entamer ma descente vers le tumulte, en suivant la route, plus longue et moins en pente. Je déteste prendre deux fois le même chemin. Je traverse encore un parc avec des hommes célèbre immenses, le bras tendu pour des siècles. Je finis par arriver à la frontière entre le parc et la ville. Exactement où je voulais être, le marché de Namdaemun.

Je slalom un peu entre les ruelles encore vides en suivant naturellement mon flair de vieux limier pour trouver des boutiques d'appareils photo d'occasion. D'abord des étales de nourritures de rue qui sent très bon, des chapeaux, beaucoup de chapeaux, des plantes aussi. Je me souviens d'une vidéo mentionnant la proximité de ces boutiques avec l'une des portes de la ville. Ça y est, une multitude de petites boutiques les unes a coté des autres avec des tonnes de boitiers. Le rêve. Mais curieusement, je ne franchis aucune porte. La barrière de la langue, ou, l'absence de vrai besoin? Par contre mon regard est attiré par cette incroyable porte. La porte Sungnyemun, la Grande Porte du Sud, est l'une des huit portes de la muraille de Séoul construite en 1398. Elle constitue le premier trésor national. Je fus chanceux de pouvoir assister à la relève de la garde.


Je discute avec un habitant de Singapour très sympathique qui m'indique la direction du Palais Deoksugung que je m'empresse de rejoindre. Sur le chemin, je rencontre une sorte de manifestation chantante et des personnes âgées armées de ballons verts.


Je poursuis mon chemin, les jambes un peu lourdes et la faim menaçante. Pour trouver l'entree de l'un des cinq palais de Séoul construit par la dynastie Joseon. Je me promène dans le temps au milieu des vestiges d'un autre monde. Les deux tiers furent détruits par les invasions Japonaises.


Je me mets sérieusement en route pour trouver un restaurant ou me poser et reprendre des forces. Après plusieurs tentatives manquées, je repère un groupe d'ingénieurs de l’urbanisme, trois Coréens et un Anglais. Je decide de les suivre discrètement pour me guider vers la paix du ventre. Et là, fantastique, au détour d’une ruelle improbable, un petit établissement de barbecue Coréen. Une ambiance chaleureuse et un délicieux repas tout aussi bon que spectaculaire.


Je décidais de poursuivre mon chemin pour trouver le second « spot » de boîtiers photographiques en me rendant à Chungmu-ro mais avant cela, une étape s’impose sur la route. La cathédrale Myenongdong, fondée par des missionnaires catholiques Français de 1892 à 1898. Seule la crypte était accessible lors de mon rapide passage. Le temps d’admirer la mariée et les voyeurs.


Cette fois, direction Chungmu-ro a une encablure de cette église typiquement Française portée par la ferveur des fidèles. La déception fut à la hauteur de l'espérance. Je trouve énormément de choix, mais l’accueil est tellement froid que je ne rentre que dans un seul magasin. Je viens vraiment d’ennuyer le gardien de ce cimetière qui ne relève même pas la tête pour m’envoyer un simple ‘hi’. Je devine un superbe Nikon F qui manque à ma collection ou un Canonet magnifique, mais très cher. Je décide donc de ne pas pousser plus loin mes investigations quand je devine le logo rouge tant aimé. Leica. Je ne peux pas éviter cette cible visible entre toutes. Encore déçu. Un accueil tout aussi froid que les courants d’air des ruelles vides. Le jeune homme fait ce qu’il peut en Anglais, mais la communication n’est toujours pas possible. Mon Leica M8 aux tours du cou, je ne dois pas représenter une cible pour lui. Je repère cependant un livre de Photographies d'Han Youngsao que j’achète. Heureusement le chef prend les choses en mains pour éviter que je ne reparte avec l'exemplaire de démonstration!
Il est largement temps de rentrer me reposer les pieds brulants après plus de 17 kilomètres de marche parsemée d'importants dénivelés. Je ne vais pas m’étendre sur le combat mené avec ferveur pour trouver un taxi, et de rejoindre mon Hôtel. Je pourrais faire poindre des notes d’agacements qui ne viendraient que ternir une belle journée de marcheur libre. « Il n’y a pas de chemin vers le bonheur, le bonheur c’est le chemin », encore une phrase que Lao-Tseu a volé à Maman. Dans ce sens je suis heureux.

T.
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